Le Ministre de l’Agriculture et du Développement Rural s’exprime sur plusieurs sujets importants relatifs à la bonne marche du secteur agricole. Entretien avec nos confrères du quotidien gouvernemental « Cameroon Tribune ».
Monsieur le Ministre, le Chef de l’Etat dans son adresse à la Nation le 31 décembre 2015 a parlé de la modernisation de l’agriculture comme l’une des conditions indispensables à l’industrialisation. Qu’est-ce qui a déjà été fait à cet effet jusqu’ici ?
Je voudrais tout d’abord remercier le journal «Cameroon-Tribune» de l’opportunité qui m’est offerte une fois de plus à travers cette interview, pour m’exprimer sur un certain nombre de sujets qui à coup sûr, préoccupent l’opinion nationale sur la santé de notre agriculture.
Permettez-moi aussi de renouveler une fois de plus ma sincère gratitude au Président de la République, Chef de L’Etat pour avoir replacé le secteur agricole et rural au centre des préoccupations gouvernementales.
Pour revenir à votre question, je ne pense pas que ce soit un slogan, nous y sommes de plain de pieds dans le processus de modernisation de l’agriculture au Cameroun. L’agriculture qui a été pratiquée jusqu’ici au Cameroun est une agriculture de subsistance, une agriculture traditionnelle, familiale. C’est dire que la modernisation est notre cheval de bataille. La migration de l’agriculture traditionnelle vers l’agriculture dite de seconde génération est bel et bien au cœur des préoccupations du MINADER.
La modernisation de l’agriculture, peut- être faudrait-il que je vous le rappelle c’est que l’agriculture de seconde génération. Ce concept a été très clairement décrit par le Chef de l’Etat, Son excellence Paul BIYA dans son discours d’ouverture du Comice Agropastoral d’Ebolowa le 19 janvier 2011. Il s’agit d’une agriculture de marché plus agressive qui devrait, non seulement faire valoir sa fonction de production des matières premières, mais aussi valoriser et promouvoir les opérations post-récoltes pour mettre sur le marché, des produits alimentaires de qualité qui répondent aux standards internationaux.
C’est également une agriculture compétitive qui s’affirme sur des nouveaux marchés par un accroissement significatif des parts qu’elle engrange. C’est une agriculture qui confère à ses acteurs un sentiment de fierté parce qu’elle devient un métier à part entière et rapporte des revenus consistants à ses acteurs ; leur permettant de disposer d’un standard de vie qui n’a rien à envier aux travailleurs des autres secteurs. C’est enfin une agriculture de valeur ajoutée, qui valorise toute la chaîne des valeurs pour contribuer davantage à la création de la richesse nationale.
Plusieurs difficultés à l’instar de l’accès aux équipements, de la disponibilité des financements et l’enclavement des bassins de production continuent de plomber la compétitivité des productions agricoles. Quelle stratégie est mise en œuvre pour y apporter des solutions durables ?
Vous savez, l’avènement d’une telle agriculture nécessite des bases solides. Le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural est actuellement en train de jeter les bases de cette agriculture.
- Voyez-vous, une telle agriculture nécessite une reforme foncière qui répond à ses exigences ; le MINADER participe activement à la reforme foncière qui est engagée au niveau du Gouvernement ;
- Elle nécessite aussi la détermination de l’aptitude des terres cultivables au Cameroun ; le MINADER a lancé une grande étude en vue de dresser la carte d’aptitude des sols au Cameroun.
- Elle nécessite une structuration particulière des organisations des producteurs ; nous sommes en train de relancer et de promouvoir le mouvement coopératif au Cameroun ;
- Elle nécessite aussi que nos produits agricoles que nous récoltons ne soient pas seulement vendus bord champs, mais que la recherche de la plus value issue de leurs transformation soit au centre des préoccupations de nos producteurs ; des actions sont menées dans ce sens. Nous avons achevé les discussions discussion avec la Banque Mondiale), le Fond International du Développement Agricole (FIDA) et la Banque Africaine de Développement (BAD pour le financement de vastes programmes de valorisation de certains de nos produits agricoles ayant un fort impact sur la sécurité alimentaire. Des discussions qui ont abouti à la mise en place de certains programmes, notamment PIDMA, PADMIR, PEA-Jeunes, PV-CV, PADFA, PACA. Qui sont les bars séculiers du MINADER en matière d’implémentation des politiques en matières de développement agricole.
La modernisation de l’agriculture voudrait tout simplement dire que les difficultés et les pénibilités observées vont trouver des solutions.
- Elle nécessite aussi la promotion de la qualité de nos produits de base pour repositionner l’origine Cameroun sur le marché international ; des actions sont en train d’être menées dans ce sens auprès de nos producteurs ;
- Elle nécessite une disponibilité en qualité et en quantité des semences et plants ; des actions sont engagées à cet effet en collaboration avec le MINRESI ;
- Elle nécessite également une mécanisation plus souple et adaptée à notre contexte ; le projet de construction de l’usine de montage des tracteurs agricoles d’Ebolowa participe de cette migration ;
- Elle nécessite enfin que les programmes de formation dans les écoles et centres de formation en agriculture soient adaptés ; nous avons engagé la reforme de l’enseignement agricole avec l’appui de nos partenaires techniques et financiers. La nouvelle vocation de ces écoles et centres de formation est de former des entrepreneurs ruraux chargés de la traduction en acte du concept de l’agri – business.
Avec la baisse des cours du pétrole, les regards sont aujourd’hui tournés vers d’autres produits d’exportation essentiellement agricoles à l’instar du cacao, de la banane, du maïs, et bien d’autres dont l’augmentation de la production et une meilleure transformation garantiraient une plus value certaine en termes de créations de richesses. Qu’est-ce qui est fait au niveau de votre département ministériel pour améliorer la transformation des produits agricoles ?
Les nouveaux budgets, qui ont été renforcés par l’adoption du Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP) et du premier Contrat de Désendettement et de Développement (C2D), ont privilégié la réalisation des ODM et donc des secteurs sociaux (santé et éducation). Le renforcement des infrastructures rurales, qui constituent également une contrainte au développement économique et à l’amélioration des conditions de vie, n’ont pas bénéficié du même niveau de priorité. Les décisions de politiques agricoles qui étaient autrefois très centralisées, sont maintenant dispersées entre plusieurs acteurs: les Ministères chargés de l’Economie et de l’Aménagement du Territoire, des Finances, de l’Agriculture, de l’Élevage, du Commerce et de la Recherche, auxquels s’ajoutent des donateurs, au travers de nombreux projets.
La révision de la SDSR en 2005/2006 avait identifié les principales contraintes bloquant la production: (i) le vieillissement de la population rurale; (ii) les difficultés d’accès à la terre; (iii) les difficultés d’accès aux intrants (engrais, semences améliorées, etc.); (iv) les difficultés d’accès aux techniques agricoles modernes et aux autres innovations de la recherche agronomique; (v) les difficultés d’accès au crédit; (vi) l’insuffisance des infrastructures d’appui au développement du secteur rural (pistes, routes, magasins de stockages, abattoirs, chaînes de froid etc.); (vii) les difficultés de commercialisation de la production, souvent du fait d’une chaîne de commercialisation trop longue qui accapare l’essentiel de la valeur ajoutée agricole et freine le réinvestissement.
Les objectifs de production actuelle nous permettent d’être très optimistes, avec un scénario estimé sur l’hypothèse basse d’une augmentation des surfaces et des rendements. Autres objectifs, le cap est désormais mis sur la transformation des produits agricoles. La mise en place du Projet d’Investissement et de Développement des Marchés Agricoles (PIDMA) vise essentiellement l’amélioration de la productivité et la compétitivité des chaînes de valeur du maïs, manioc et sorgho, et d’accroître la production pour répondre à la demande des matières locales exprimée par les Agro-business. Le PIDMA interviendra dans tous les segments des chaînes de valeur, renforçant ainsi les relations fonctionnelles entre la production, la transformation et la mise en marchés. Ce projet va contribuer à l’amélioration de la sécurité alimentaire et satisfaire la demande quantitative et qualitative en produits agricoles de l’Agro-business privé (agro-industries, petites et moyennes entreprises/industries, grossiste, etc.). Il s’agit de permettre l’accroissement de l’offre et de la valeur ajoutée des produits du manioc, maïs et du sorgho issus des bénéficiaires que sont les fermes agricoles, les coopératives et les petites et moyennes entreprises agricoles.
De manière générale, le Gouvernement du Cameroun entrevoit à l’horizon 2035 une «révolution agricole » basée sur l’intensification soutenue des activités sylvo-agro-pastorales et piscicoles, avec pour résultats visibles un bond substantiel de productivité. Pour le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural dont j’ai la charge, cette vision s’inscrit dans le sens de la transformation de l’agriculture orientée vers une modernisation et une mécanisation des exploitations agricoles avec comme moteur de jeunes entrepreneurs agro-pastoraux engagés dans une agriculture dite « de deuxième génération ».
Dans cette stratégie, le MINADER accorde une place de choix aux jeunes pour atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement car ils représentent, non seulement la fer de lance de la société, mais surtout, un atout en milieu rural pour leur potentiel d’impact considérable en termes d’amélioration de la productivité et de la réduction de la pauvreté.
Comment comprendre que le Cameroun naguère 5ème producteur mondial du cacao, se retrouve aujourd’hui au bas de l’échelle, Idem pour les autres produits de rente comme le café ou la banane plantain?
En dehors de la privatisation des entreprises publiques, qui constituaient des vestiges de la période dirigiste, les réformes du cadre macroéconomique et des institutions n’ont pas eu d’équivalent dans le secteur agricole. Aucune réforme sectorielle n’a été mise en œuvre pour tenter de réduire les contraintes chroniques de l’agriculture camerounaise, comme la précarité de la sécurisation foncière ou la difficulté d’accès au capital.
Les nouveaux budgets, qui ont été renforcés par l’adoption du Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP) et du premier Contrat de Désendettement et de Développement (C2D), ont privilégié la réalisation des ODM et donc des secteurs sociaux (santé et éducation). Le renforcement des infrastructures rurales, qui constituent également une contrainte au développement économique et à l’amélioration des conditions de vie, n’ont pas bénéficié du même niveau de priorité. Les décisions de politiques agricoles qui étaient autrefois très centralisées, sont maintenant dispersées entre plusieurs acteurs: les Ministères chargés de l’Economie et de l’Aménagement du Territoire, des Finances, de l’Agriculture, de l’Élevage, du Commerce et de la Recherche, auxquels s’ajoutent des donateurs, au travers de nombreux projets.
La révision de la SDSR en 2005/2006 avait identifié les principales contraintes bloquant la production: (i) le vieillissement de la population rurale; (ii) les difficultés d’accès à la terre; (iii) les difficultés d’accès aux intrants (engrais, semences améliorées, etc.); (iv) les difficultés d’accès aux techniques agricoles modernes et aux autres innovations de la recherche agronomique; (v) les difficultés d’accès au crédit; (vi) l’insuffisance des infrastructures d’appui au développement du secteur rural (pistes, routes, magasins de stockages, abattoirs, chaînes de froid etc.); (vii) les difficultés de commercialisation de la production, souvent du fait d’une chaîne de commercialisation trop longue qui accapare l’essentiel de la valeur ajoutée agricole et freine le réinvestissement.
Les objectifs de production actuelle nous permettent d’être très optimistes, avec un scénario estimé sur l’hypothèse basse d’une augmentation des surfaces et des rendements.
Peut-on dire que l’Agriculture de seconde génération prônée par le Chef de l’Etat, qui vise également la transformation locale de ces produits, constitue la formule magique pour faire remonter la pente ?
La vision politique du Chef de l’Etat est de faire du Cameroun un pays émergent à l’horizon 2035, démocratique et uni dans sa diversité.
La stratégie du MINADER pour développer les produits agricoles afin de proposer aux consommateurs des produits à forte valeur ajoutée est simple :
- Il s’agit de mettre un accent particulier sur la productivité et la compétitivité de ces produits à travers le choix des variétés à haut rendement, des intrants et techniques culturales modernes qui respectent les normes qualitatives internationales, qui respectent les exigences de certification et qui s’adaptent aux contraintes de changement climatiques ;
- Il s’agit aussi de promouvoir la transformation locale de nos produits qui prend en compte les exigences normatives de qualité;
Il s’agit aussi de s’orienter progressivement vers les produits de niche et la prise en compte des notions d’indications géographiques dans la production. Faut- il le rappeler, l’objectif stratégique du MINADER est « de renforcer le Cameroun dans son rôle de puissance agricole sous régionale, où le secteur rural est un moteur de l’économie nationale, assurant la sécurité alimentaire des populations dans un souci de développement durable, respectueux de l’environnement ». Les ambitions de la stratégie de Développement du Secteur Rural, Volet Agriculture et Développement Rural reposent sur quatre piliers, à savoir :
- renforcer le cadre institutionnel et les capacités de l’ensemble des acteurs étatiques et privés ;
- améliorer la productivité et la compétitivité des filières agricoles ;
- moderniser les infrastructures du monde rural et de production agricole;
- gérer durablement les ressources naturelles spécifiques à l’agriculture.
Je voudrais vous rappeler que le MINADER s’emploie à intensifier la mise en œuvre de l’agriculture de seconde génération ; la réussite de cette révolution silencieuse passe par plusieurs actions dont les plus saillantes sont :
- l’adaptation du système et des programmes de formation agricole aux exigences de l’agriculture de seconde génération ;
- la disponibilité de l’information statistique agricole en temps réel;
- la maîtrise totale de la production et de la distribution des semences et plants améliorés à haut rendement ;
- l’intensification de la promotion de la mécanisation agricole ;
- la maîtrise totale de la protection des vergers ;
- le renforcement et le développement du mouvement coopératif ;
- la maîtrise de l’eau pour palier aux effets du changement climatique et produire en toute saison;
- la maîtrise des marchés agricoles ;
- la maîtrise de l’accès aux financements et à la terre, etc.
C’est dans cette perspective que le MINADER entend s’appesantir davantage sur:
- l’opérationnalisation sans délai du fonctionnement des fermes semencières de première catégorie ;
- le lancement effectif du troisième recensement général de l’agriculture et de l’élevage ;
- l’intensification de la formation des brigades villageoises en protection des vergers cacao et cafés et l’acquisition des instruments nécessaires à la protection totale du verger ;
- la promotion des systèmes d’irrigation adaptés à la taille et à la nature des exploitations et des sols ;
- la promotion des activités de valorisation des produits agricoles du cru ;
- l’opérationnalisation effective de projet d’investissement et de développement des marchés agricoles;
- la poursuite de l’organisation des foires agricoles régionales de fin d’année pour atténuer la hausse des prix des denrées alimentaires en cette période de forte demande ;
- l’organisation d’un forum national sur l’agriculture;
- l’intensification de la formation des acteurs ruraux aux nouvelles technologies de production, de transformation et de commercialisation des produits à travers la création des centres d’excellence des filières agricoles;
- l’organisation de la Table ronde des bailleurs dans le cadre du Programme Détaillé de Développement de l’Agriculture Africaine (PDDAA) ;
- la mise en œuvre des propositions du conclave sur l’adéquation entre l’offre et la demande du personnel devant soutenir l’agriculture de deuxième génération à travers entre autres une rencontre dans les tout prochains jours avec les universités privées et publiques;
- l’amélioration du suivi des compétences transférées aux communes à travers un Comité que j’ai mis en place à cet effet ;
- la signature d’une convention avec la firme « Agrultural Company (AGCO) » pour la formation dans le domaine du machinisme agricole.
Monsieur le Ministre, vous avez signé un décret créant des pools d’agriculture dans certains départements du Cameroun. De quoi s’agit-il exactement ?
Il s’agit de rapprocher les machines et équipements agricoles, des grands bassins de production. Au niveau de ces pools des coopératives ou des agriculteurs peuvent solliciter des prestations pour certaines pratiques culturales telles que les labours, les semences, voire les récoltes. Ainsi l’agriculteur réussit-il à mécaniser ses exploitations sans supporter individuellement les charges liées à l’entretien des engins et aux salaires des conducteurs et réparateurs d’engins.
Que comptez-vous faire pour que cette innovation majeure touche, même les localités les plus reculées ?
La création des pools d’engins va se poursuivre dans la plupart des grands bassins de productions en vue de réduire la pénibilité des activités et améliorer à la fois la productivité et la production agricoles.
Les jeunes sont particulièrement visés, afin de rendre attractifs et lucratifs les emplois dans le secteur agricole.
Le Projet d’Investissement et Développement des Marchés Agricoles (PIDMA) est une initiative conjointe de la Banque Mondiale et du Gouvernement Camerounais dont la vision est d’amélioration la productivité et la compétitivité des chaînes de valeur du maïs, manioc et sorgho, et d’accroître la production pour répondre à la demande des matières locales exprimée par les Agro-business. Le PIDMA interviendra dans tous les segments des chaînes de valeur, renforçant ainsi les relations fonctionnelles entre la production, la transformation et la mise en marchés. La préparation de ce projet par le Gouvernement du Cameroun a débuté depuis le mois de mars 2013, avec la collaboration de la Banque Mondiale et des partenaires impliqués. Il s’agit donc pour ce projet, de contribuer à l’amélioration de la sécurité alimentaire et satisfaire la demande quantitative et qualitative en produits agricoles de l’Agro-business privé (agro-industries, petites et moyennes entreprises/industries, grossiste, etc.). L’Objectif de Développement du Projet est d’accroître l’offre et la valeur ajoutée des produits du manioc, maïs et du sorgho issus des bénéficiaires que sont les fermes agricoles, les coopératives et les petites et moyennes entreprises agricoles.
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