RESUME
Cette étude marque le point de départ de la mise en œuvre d’un observatoire des intrants agricoles au Cameroun qui devra, à terme, contribuer à améliorer à la fois les connaissances des marchés des intrants agricoles et la mise en application des réformes en matière de subvention des intrants de la
part de l’Etat.
Dans l’immédiat, cette réforme est mise en œuvre sur les filières cacao et café, à travers la création par le Fonds de Développement des Filières Cacao et Café (FODECC), d’un guichet unique d’accès
aux intrants basé sur le principe de bons d’achat accordés aux producteurs à travers les réseaux de distribution locaux. La prise en charge financière de la part subventionnée par l’Etat dépend des besoins déclarés par les producteurs en termes de quantité et donc bien sûr de la disponibilité et du prix de vente des produits chez les distributeurs.
Ceci a donc conduit le FODECC à conclure une convention avec le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural (MINADER) pour entamer la mise en route de l’observatoire des intrants
agricoles dans les régions de production du cacao et du café. En absence de données rétrospectives, cette première étude a été diligentée par la Direction des Enquêtes et des Statistiques Agricoles
(DESA) en début d’année 2021 afin de pouvoir estimer les évolutions récentes du commerce des intrants. Il s’agit donc d’une enquête entièrement déclarative conduite auprès des distributeurs agréés d’engrais et de produits phytosanitaires inscrits dans les registres de la Direction de la Réglementation
et du Contrôle de Qualité (DRCQ) du MINADER. La limitation de l’enquête aux seuls distributeurs
agréés constitue probablement un biais en ce qui concerne les volumes commercialisés réellement mais réduit en partie celui des effets de qualité sur les prix de distribution. Par ailleurs, le mécanisme de subvention passe par ce réseau de distribution qui constituera la cible en matière de suivi des prix
et d’approvisionnement.
Il existe une autre limite à cette étude qui concerne l’approche des volumes détenus par les
importateurs distributeurs. En effet, sur la quinzaine de sociétés enregistrées et contactées, quatre ont accepté de répondre aux questionnaires. En conséquence, l’appréciation du disponible total a été
réalisée à travers l’exploitation des données douanières au niveau du port de Douala. L’estimation du
disponible national est donc réalisé à partir du seul solde import/export et ne considère pas les
éventuels stocks de fins d’exercice détenus par les importateurs/distributeurs.
Caractéristiques du réseau de distribution des engrais et produits phytosanitaires
L’accès géographique au réseau de distribution est très hétérogène puisque 8 distributeurs sur 10 sont installés dans deux régions (le Littoral et l’Ouest). En ce qui concerne le commerce de détail, la
répartition est à peu près la même car 7 distributeurs sur 10 sont installés dans ces deux régions et
près de la moitié dans la seule région de l’Ouest. Sans surprise, le commerce de détail est
essentiellement le fait des Sociétés Individuelles (8 sur 10) et plus rarement des coopératives ou des Sociétés à Responsabilité Limitée.
Si majoritairement, les distributeurs déclarent avoir une bonne connaissance de la législation en vigueur, ils sont un peu moins nombreux en ce qui concerne les informations en matière
d’homologation des produits. Il convient toutefois d’être prudent sur l’interprétation de questions dichotomiques, il est probable que ce niveau d’information soit plus faible si les questions portaient sur les éléments précis de la réglementation.
Indépendamment de leur qualité, les distributeurs qu’ils soient détaillants ou grossistes, évoquent les prix élevés des produits et des transports comme la limitation principale de l’activité. Les difficultés d’approvisionnement, en particulier les retards de livraison sont évoqués par 1 distributeur sur 2.
Par contre, les défauts de qualité des produits ne sont pas particulièrement cités. Concernant les détaillants, plus de la moitié évoque la faiblesse de la demande comme une contrainte de développement de l’activité ; ce qui milite donc en faveur du soutien initié par le système de subvention et le suivi de ce paramètre qualitatif auprès des détaillants.
Marché des engrais
L’approvisionnement du marché national d’engrais se situe autour de 200 000 tonnes en 2020. En 2021, on note une légère baisse de 4 000 tonnes essentiellement due à la diminution des importations des engrais complexes (Phosphate Di-ammonium et NPK). Compte tenu des délais requis entre les commandes et les livraisons, les tensions apparues au cours du dernier trimestre 2021 sur le marché des engrais n’ont pas impacté le disponible annuel et les stocks chez les commerçants en fin 2021 restent identiques à ceux des années précédentes.
Si le disponible national est stable, le disponible commercial exprimé au travers des volumes acquis surtout au niveau des détaillants a fortement baissé entre 2019 et 2021 avec une diminution de 10
000 tonnes d’urée et de 5 000 tonnes d’engrais complexe. L’offre au niveau des producteurs est
moindre sans que l’on ne sache exactement s’il s’agit d’un ajustement des distributeurs par rapport à
une demande en diminution ou d’une faiblesse d’approvisionnement due à l’augmentation des prix. Toutefois, l’analyse des ventes indique bien aussi une diminution de la demande, pour la seule région
du Littoral, les ventes d’urée ont diminué de 44 % et celles des engrais complexes de 34%. Si dans les autres régions la demande est plus stable, les volumes de vente sont nettement plus faibles.
Concernant les prix, ils sont en progression constante au niveau du commerce de détail surtout entre 2020 et 2021 ; période au cours de laquelle le prix des engrais azotés a connu une augmentation de 140 F CFA/Kg et 100 F CFA/kg respectivement dans les régions du Littoral et du Sud. Pour les engrais complexes et en dehors de la région du Sud, ils ont augmenté partout d’environ 50 F CFA/Kg. Même s’il faut être prudent sur les valeurs absolues d’augmentation avec ce type d’enquête
rétrospective, la hausse des prix à partir de 2021 est nette et devrait se poursuivre sur 2022 au vu du contexte international.
Marché des produits phytosanitaires
Si le réseau de distribution des produits phytosanitaires est relativement identique à celui des engrais, le marché est caractérisé par plus de faiblesse de la demande apparente exprimée par les ventes. Il faut toutefois nuancer car, contrairement aux engrais, les ventes de produits phytosanitaires sont conditionnées par les spécificités de chaque campagne et des menaces conjoncturelles qui pèsent sur les cultures.
Les acquisitions des distributeurs détaillants sont en légère diminution entre 2020 et 2021 en ce qui concerne les insecticides (- 20%) et les herbicides (-17%). Cette diminution est plus forte en ce qui concerne les fongicides qui ont baissé de 40% essentiellement dans la région du Littoral où ils sont majoritairement commercialisés. La situation est quelque peu différente en ce qui concerne les
grossistes/détaillants qui ont acquis plus d’herbicides en 2021 qu’en 2020 (+ 80%) essentiellement
dans la région de l’Ouest.
Les ventes au niveau des détaillants sont faibles par rapport aux acquisitions et en baisse significative entre 2020 et 2021 surtout en ce qui concerne les herbicides et les fongicides dont les ventes ont diminué de moitié sur les deux dernières années. Ainsi, il existerait en fin 2021 des stocks apparents
importants chez les détaillants (5 000 litres d’insecticides et 14 000 litres d’herbicides).
Par contre, au niveau des grossistes/détaillants les ventes d’insecticides et de fongicides sont stables
et ont même augmenté pour les herbicides (essentiellement aussi dans la région de l’Ouest). Il semblerait donc que les grossistes/détaillants sont plus à même d’anticiper la demande et d’adapter
leurs acquisitions.
Globalement, le prix des insecticides est orienté à la hausse jusqu’à + 9% entre 2020 et 2021 dans la
région du Littoral et excepté dans celle de l’Ouest où il baisse de 1,4%. Concernant les herbicides, la
hausse est beaucoup plus marquée (85%) dans la région du Centre et 40% dans celle de l’Ouest. Par
contre, le prix des fongicides est plus stable excepté dans la région du Littoral où il grimpe de 30% entre 2020 et 2021.
Recommandations
Au vu des limites mentionnées, cette enquête constitue une étude exploratoire et peut être assimilée à une phase pilote. Des résultats obtenus, se dégage le besoin de la mise en place d’un observatoire
des intrants agricoles au MINADER. A cet effet, la DESA devra, avec les activités planifiées en 2022, renforcer la liste des indicateurs et mettre en place un dispositif statistique robuste de l’observatoire permettant au FODECC de faire un suivi efficace dans son élan pour redynamiser les filières cacao et café au Cameroun.
Aussi, le MINADER devrait à travers la DRCQ mettre un accent sur le contrôle de qualité des engrais et des produits phytosanitaires mis à la disposition des acteurs.
Au vu du manque d’information signalé comme contrainte par les acteurs, il faudrait mettre en place une plate-forme d’échange et de communication entre les acteurs des filières cacao et café.
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